Le Gulf Stream baigne de ses eaux chaudes une partie
de la côte Atlantique de l'Europe du Nord Ouest, c'est à
dire:
- la façade Ouest du Royaume
Uni
- la côte Atlantique en France
- le pays basque espagnol
... et de manière moins importante les
côtes islandaises et norvégiennes.
En 1855, un lieutenant
de marine américain, Maurice Fontaine
Maury, publia The Physical Geography
Of The Sea and its Meteorology, un
ouvrage qui connut un succès retentissant,
dans lequel il affirmait que le
Gulf Stream avait un
rôle essentiel dans la régulation des
températures sur l'Ouest de l'Europe en
hiver. En se basant sur des observations
réalisées de part et d'autre
de l'Atlantique, l'auteur conclut que
le Gulf Stream, seule vraie source de
chaleur locale était responsable
du climat hivernal particulièrement
doux. Mais ses observations étaient
toutefois un peu faussées en raison
de l'absence de relevés climatiques
précis en haute mer. Par conséquent,
l'auteur ne faisait pas la distinction
entre les climats "maritimes"
et continentaux, fondamentalement différents.
Le Gulf Stream expliquait donc pour Maurice
Fontaine Maury l'écart de température
de 15°C en hiver, entre l'Est canadien
et l'Europe de l'Ouest.
Ainsi en hiver, selon cette théorie,
le Gulf Stream, courant chaud, transférait
son énergie thermique aux vents d'ouest
refroidis. Il stabiliserait donc de manière
importante le déséquilibre entre les couches
atmosphérique et océanique,
dû à un rayonnement solaire moins important.
Les deux couches s'équilibreraient,
réduisant de la sorte le refroidissement
des températures.

Cette théorie est
la plus connue, et la plus retenue, à
tel point qu'elle est presque devenue
une certitude ! voire même "folklorique",
et on la retrouve partout, que ce soit
dans les livres de Géographie,
les guides touristiques, les Encyclopédies...
Elle n'a pas été retenue
par sa justesse, mais simplement parce
que elle était la seule ! mais
elle est très ancrée dans
les esprits. Elle a été
soutenue jusqu'à très récemment,
on retrouve des articles la confirmant
jusqu'en 1997. Mais le défaut de
cette thèse, vieille de plusieurs
siècles, est qu'elle n'a jamais
été démontrée
par des procédés modernes,
même si elle semble être assez
évidente. De plus, un élément semblant
confirmer cette conjecture, était que
durant la dernière ère
glaciaire, le Gulf
Stream s'était à de nombreuses
reprises ralenti, et avait raccourci
sa course suite à des augmentations des
températures en Europe. Cela
entraînant un retour progressif vers celles
habituelles. Le dernier ralentissement
de ce type s'est produit il y a environ
15.000 ans. La diminution moyenne de la
température européene suite à ces ralentissements
était d'environ 5°C (avec parfois des
variations plus ou moins importantes).
Désormais, une nouvelle
théorie a été
énoncée, ne niant pas l'influence
du Gulf Stream sur le climat européen,
mais la minimisant fortement. Elle résulte
du travail d'un groupe de chercheurs américains,
dirigé par Richard Seager, Senior
Research Scientist de l'université
Columbia, aux Etats Unis. Elle a pu voir
le jour grâce aux progrès
informatiques ayant permis d'analyser
"d'un seul bloc" toutes les
informations climatologiques disponibles
depuis 1949 jusqu'à ce jour, et
dans le monde entier ! Cette nouvelle
théorie s'appuie, en plus des observations,
sur des simulations climatologiques toujours
plus réalistes. Le contenu global
en est que les courants marins, grandes
réserves de chaleur, servent plus
à compenser le déséquilibre
de température entre l'équateur
et les pôles. En revanche, aux latitudes
moyennes, les courants atmosphériques
atlantiques plus que les courants marins
en eux-mêmes seraient les acteurs
majeurs de la douceur de notre climat.
Trois phénomènes
participeraient à la douceur hivernale
du climat européen. En premier
lieu, le déstockage de
la chaleur accumulée en été,
durant la saison hivernale. En second
lieu, effectivement, le transport
d'eaux chaudes par le Gulf Stream,
des tropiques vers le nord, dont l'énergie
est dissipée dans l'atmosphère.
Enfin, on a mis en évidence le
rôle important de la circulation
générale des vents au dessus
de l'Atlantique, et notemment les "méandres"
créées par les Montagnes
Rocheuses de l'Est des Etats-Unis. Ce
sont de longs vents, très fins,
circulant de l'Est vers l'Ouest, réchauffés
par le destockage de la chaleur de l'océan
Atlantique. Son rôle aurait été
largement sous estimé auparavant
en l'absence de données précises
concernant le climat "maritime",
Ce destockage aurait, grâce aux
tempêtes tropicales hivernales au
dessus de l'Atlantique, d'après
R. Seager, assez d'énergie
à lui seul pour expliquer la douceur
du climat hivernal européen.
Cela tend à être confirmé
par les simulations de l'équipe,
qui montrent que sans les Rocheuses, ou
sans ces vents provenant des Rocheuses,
les températures en Europe seraient
inférieures de 27°C ! Au final,
le gain thermique apporté
par le Gulf Stream ne serait
que de deux ou trois degrés
au niveau de l'Europe (un peu plus au
Nord, éloignant la zone de formation
des glaces) soit à peine
un peu plus de 10% de l'énergie
thermique transmise à l'atmosphère.
La véritable explication
des différences de températures
aux mêmes latitudes sont
donc les reliefs, et
non le Gulf Stream.

Cette nouvelle théorie
a bien sûr fait l'effet d'une bombe
sur les climatologues: tout ce qu'ils
avaient affirmé auparavant se trouve
ainsi remis en question. Toutefois cette
thèse est particulièrement
convaincante sur plusieurs aspects:
elle ne contredit pas totalement les observations
ayant étayé la théorie
du Lieutenant ... , puisque les relevés
climatologiques consécutifs à
un arrêt du Gulf Stream avaient
montré une baisse d'environ 5°C
du climat européen, et la théorie
du Richard Seager les rejoint même
encore plus que la précédente.
Un autre point intéressant est
que ces recherches font réapparaître
la différence entre les climats
maritime et continental, ignorés
auparavant, faute de relevés climatologiques
précis. Le Gulf Stream a donc en
fin de compte un effet sur le climat européen,
mais très minime.
Toutefois, les conclusions de ces recherches
ne rassurent pas pour autant la plupart
des scientifiques, inquiets d'un "arrêt"
du Gulf Stream. Le Gulf Stream
est certes le facteur
le moins important de sa régulation
du climat en Europe, mais il est le plus
influençable de tous.
La connaissance des climats passés
permet d'avoir une idée des conséquences
de cet évènement, mais rien
ne peut assurer qu'elles seront les mêmes
! à plusieurs dizaines de milliers
d'années d'intervalle. Un arrêt
pourrait donc avoir avoir des conséquences
bien plus graves que celles supposées
auparavant, et ce sur toutes les
régions bordant l'Atlantique.
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